Le philosophe américain Stanley Cavell, décédé en juin 2018, est l’un des plus importants penseurs contemporains, et a inspiré de nombreux travaux en France, où son œuvre est largement traduite. Il a notamment fait revivre la philosophie du langage ordinaire et le perfectionnisme moral. C’est peut-être son œuvre sur le cinéma qui a rencontré l’écho le plus large. Stanley Cavell, avec La projection du monde (The World Viewed, Harvard University Press, 1971, 1979, éd. Belin, 1999) et A la recherche du bonheur (Pursuits of Happiness, Harvard University Press, 1981, éditions des Cahiers du cinéma, 1993, réédité en 2017) a révolutionné l’approche philosophique du cinéma. Cette révolution porte aussi bien sur la dimension pédagogique et éthique des films populaires que sur la définition du réalisme. Dans Le cinéma nous rend-il meilleurs ? (Bayard, 2003) qui rassemble des essais théoriques importants, Cavell précisait un enjeu central de son oeuvre : redéfinir le réalisme non seulement au cinéma, mais par le cinéma ; par notre expérience du cinéma. Son réalisme n’est pas dans la représentation d’une réalité, mais dans son caractère démocratique, sollicitant les compétences morales de tous ; dans le fait qu’il fait partie des vies ordinaires ; dans l’éducation morale qu’il nous offre – en un sens spécifique, celui du perfectionnisme moral hérité d’Emerson ; dans la mise en évidence enfin de l’importance, de ce qui compte. Qu’arrive-t-il à la réalité quand elle est projetée et passée sur un écran ? Que deviennent les choses, les personnes, les situations, les histoires à l’écran ? Et que nous font-elles ?
Nous souhaitons réunir pour cet hommage exceptionnel des spécialistes de philosophie et de cinéma, des critiques de cinéma et des cinéastes. Car le double ancrage de la réception académique des travaux de Cavell sur le cinéma au sein des départements de philosophie et d’études cinématographiques se double d’une double empreinte dans le champ de la création cinématographique : au côté des artistes eux-mêmes et au côté des critiques qui élaborent au présent des jugements sur les œuvres. Des cinéastes parmi les plus importants de leur génération et dans des styles aussi différents que Arnaud Desplechin, Claire Simon, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Ang Lee, Joël et Ethan Coen ont exprimé leur dette à l’égard des textes de Cavell. Ce colloque sera l’occasion de repenser l’apport décisif de son oeuvre à la théorie et à l’histoire du cinéma, à la philosophie du cinéma, à la critique cinématographique, à la création cinématographique, et finalement à la philosophie elle-même.
Les résumés des interventions (300 mots environ) devront parvenir au format word avant le 30 mars 2019 à elise.domenach@ens-lyon.fr et sandra.laugier@univ-paris1.fr
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