Marie Laureillard : Les Modern girls chinoises, femmes idéales ou funestes ?

28 September 2023 par Admin IAO
Vendredi 29 septembre 2023 à 9h30
Campus Condorcet, salle 0.33

Marie Laureillard (Université Lyon 2, Institut d’Asie Orientale) intervient au Colloque Chine, Corée, Japon : comparaison(s) du 29 au 30 septembre.

Premier colloque conjoint de l'Association française d’études chinoises (AFEC), l’Association française pour l’étude de la Corée (AFPEC) et la Société française d’études japonaises (SFEJ).

La revue illustrée chinoise Shanghai Sketch 上海漫畫 (1928-1930) brosse le portrait, à travers caricatures, dessins, photos, d’une femme chinoise moderne qui s’émancipe, fume, se coupe les cheveux, face à laquelle l’homme perd son rôle dominant, comme l’illustre parfaitement une couverture où l’on voit une belle tenant un homme miniaturisé agenouillé au creux de sa paume (numéro 8, 9 juin 1928). Cette modern girl maquillée, coiffée à la garçonne, regarde d’un air condescendant le petit homme implorant en complet-veston noir. La revue Furen huabao 婦人畫報 (Revue illustrée des femmes) (1933-1935) explique patiemment à travers les écrits de divers écrivains ainsi que les dessins de Guo Jianying 郭建英 (1907-1979) comment devenir une véritable modern girl, aussi bien par l’apparence (corps agile et énergique, coiffure, vêtement) que par l’esprit et le goût. Dans la métropole shanghaïenne, le trope de la femme manipulatrice et croqueuse d’hommes apparaît régulièrement aussi bien dans les revues illustrées que dans les romans et les films de l’époque. L’émancipation confère à la modern girl un visage menaçant de séductrice cynique, de femme fatale, qui plonge ses racines dans l’esthétique décadente d’inspiration européenne, à l’image de La Dame au pantin du peintre belge Félicien Rops (1885), qui tient dans sa main un homme à sa merci réduit à l’état de marionnette désarticulée. Ce personnage féminin en plein devenir obsède écrivains et artistes chinois de l’entre-deux-guerres parce qu’il brouille les frontières de classe et de statut social et, surtout, renverse la hiérarchie des genres. Il inquiète autant qu’il fascine. A partir d’un corpus essentiellement constitué par ces deux revues, on réfléchira à la manière, dont, mêlant réalité, désir et imagination, les caricatures qui se déploient sur leurs pages campent une femme nouvelle idéale, non sans une certaine ambiguïté cependant : cette dernière n’apparaît-elle pas à la fois comme belle, libérée, mais également écervelée et perfide dans des images le plus souvent produites et interprétées par des hommes ?

Vous trouverez le programme de cette journée ici : CCJ Comparaison(s)_programme_définitif_2023.