Migrations trans-empires : le cas des karayuki-san, migrants japonais en Indochine française, 1880-1920

14 March 2023 par Admin IAO
Conférence Eurasia

23 mars 2023, 18h – 20h
En raison de la mobilisation sociale en cours, la conférence sera uniquement en distanciel.

Frédéric Roustan, Maitre de conférences en histoire contemporaine de l’Asie à l’Université Lumière Lyon 2 et chercheur à l’Institut d’Asie Orientale de Lyon.

Venant se greffer aux circulations maritimes transrégionales de matières premières en expansion au début des années 1880, une relation migratoire contemporaine à la présence coloniale française se met en place entre l’Indochine et le Japon. Ainsi, parmi les flux humains reliant le territoire indochinois à l’espace Asie-Pacifique, celui des Japonais connait un âge d’or entre les années 1880 et 1920. Durant cette période, les ports indochinois sont progressivement intégrés aux routes et réseaux de transit des populations japonaises en Asie du Sud-Est, et deviennent à la fois des lieux de passage mais aussi de fixation de ces populations.

Cette migration, non organisée par les colons français mais par des acteurs japonais, est structurée entre les ports du Kyûshû environnant Nagasaki et les ports Indochinois via Hong Kong. Ce phénomène s’inscrit dans ce que l’historiographie japonaise qualifie de karayuki san, c’est-à-dire le plus important mouvement migratoire outre-mer au Japon entre la fin des années 1850 et la fin du XIXe siècle. La destination de ces flux, premièrement limités aux ports de Hong Kong et Shanghai, s’étend progressivement vers les principaux ports d’Asie du Sud-Est avant de concerner tout l’espace Asie-Pacifique. Si les hommes font partie de ce mouvement, il est essentiellement constitué de femmes, destinées à travailler comme prostituées dans les grandes villes portuaires de la région.

Ainsi, le premier objectif de cette présentation est de voir comment les ports d’Indochine s’insèrent dans un réseau spécifique de circulations maritimes à l’échelle régionale des karayuki san.  Nous présenterons ces réseaux, les différents acteurs qui interviennent dans cette mise en relation des espaces que ce soit les intermédiaires à la migration – en réfléchissant à leur implantation locale et transnationale-, les compagnies maritimes et les acteurs institutionnels de la colonie (législation, contrôle). Les ports indochinois jouent également un rôle d’interface dans la gestion de la population des prostituées japonaises mettant en relation le réseau maritime régional et le réseau redistribuant à l’échelle du territoire colonial ces populations dans les différentes villes et autres lieux de présences européennes de l’Union. 

Ensuite, le second enjeu est de présenter ces migrants japonais comme un élément des villes indochinoises, à la fois comme acteurs de la société coloniale en interaction avec les autres membres de cette société, et comme un élément des représentations culturelles et sociales de celle-ci.

Frédéric Roustan est Maitre de conférences en histoire contemporaine de l’Asie à l’Université Lumière Lyon 2 et chercheur à l’IAO. Ses recherches portent sur les représentations, interactions et connections entre les sociétés modernes et contemporaines du Japon et de l’Asie du Sud-Est au regard des migrations, notamment en considérant la notion de métissage au Japon.